Elle marche dans la ville anonyme, elle flâne… gardant les yeux au
ras du bitume, elle refuse les regards, s’interdit l’espoir… l’espoir
d’une rencontre, l’espoir d’un sourire. A quoi bon, elle connait
l’humain, elle se sent trop bien seule, que pour prendre le risque d’un
échange de non-compréhention.
Ses pas la guident vers rien, elle marche au gré de ses envies, pas
errante, pas perdante.
Simplement elle marche, encore et pense, encore…
Elle entend les rumeurs de la foule autour d’elle, pas hostiles, mais
tellement futiles. Parfois elle s’arrête devant une vitrine, se regarde
dans le reflet, en profite aussi pour vérifier que nul ne fait attention
à elle… simple reflexe, simple prudence, reste d’instinct de survie
acquis dans cette nouvelle vie.
En jeans usé et vieux blouson, elle se veut invisible, et pourtant
elle le sent, elle sait qu’elle n’arrivera pas à passer inaperçue. Elle
est trop différente, le port de tête trop fier, la démarche trop altière
peut-être. Sa révolte trop affichée. Mais qu’importe, un seul regard de ses yeux noirs
découragerait les plus entreprenants.
Là-bas, à quelques pas, un homme assis à même le trottoir, à ses
cotés un chien, un berger allemand au regard triste et doux et une
pancarte : “j’ai faim”. Elle s’interroge, hésite. Qui a faim ? l’homme
ou le chien ?
De la main elle tate les quelques pièces dans sa poche,
puis se détourne, retourne au dernier shop de hot-dog, en commande deux,
mais sans moutarde. Elle revient vers l’homme, lui tend la nourriture…
échange de regards… l’homme donne les deux sandwichs au chien, échange
de sourires… Elle offre une clope et quelques pièces à cet inconnu… puis
après un geste de la main, s’en retourne vers son destin.
Elle continue ses déambulations, mais l’envie d’un verre se fait
sentir. Elle regarde les bistrots, les tavernes. Partout elle voit le
même film muet, des humains qui gesticulent, qui grimacent, ridicules. Elle s’imagine entendre les rires gras, les blagues sur n’importe quoi,
sent déjà les regards lubriques qui la détailleront dès son entrée. Cela
lui coupe l’envie, elle préfère passer son chemin… marcher encore,
jusqu’à la prochaine fontaine publique et là enfin assouvir sa soif.
Le soir tombe lentement. La douceur de l’été se charge de parfums,
odeurs de cuisines, odeurs de benzines… elle a faim… au loin la musique
de la foire, la grand roue qui tourne, tourne encore, ses pas la
conduisent dans le vacarme des manèges, les lumières de la fête.
Faire taire ses angoisses dans le bruit, oublier qu’elle ne sait ou
passer la nuit… pas de toit, pas de gîte… marcher encore et toujours
pour survivre…
Elle se laisse envelopper par la fête, se détend en
écoutant les rires d’enfants qui perchés sur les poneys se prennent pour
des cow-boys, sourit en écoutant les cris de peur, un peu hystériques,
dans les châteaux de l’horreur. Un paquet de frites, double sauce, mayo
et anglaise lui calera l’estomac. Une terrasse, une bière. En vitesse,
vérifier d’un regard périphérique, c’est ok, nul ne fait attention à
elle, tous trop occupés à faire la fête.
Une lumière rouge s’allume dans sa tête, elle est trop relax, son
attention s’est relâchée, sa vigilance s’est endormie, vite se
reprendre… se lever ! partir ! fuir loin d’ici.., loin de la foire…,
loin de la foule…
Mais il est trop tard, une main se pose sur son épaule, une manche
d’uniforme bleu nuit, une matraque, un képi… un regard mort, une voix
atone “Mademoiselle, vos papiers s’il vous plait”
Le monde s’écroule… retour case départ… retour vers le noir… menottes
aux poings en combi vers l’amigo, passage obligé pour retrouver l’enfer
des homes…
c’est la fin de sa cavale…
Caly 2004
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