Il porte une blouse verte informe et un pantalon tout pareil. Autour de son cou, un masque chirurgical pendouille. Ses petites lunettes rondes me font penser à Harry Potter. Il doit avoir dans les 35 ans. Il me parle mais je n'entend rien.
Moi, je suis dans ma bulle, bien à l'abri. Cela fait des heures que je suis ainsi. Des jours même !
Il y a quelques heures je me suis préparée. J'ai laissé la maison bien rangée. J'ai pris la voiture et délaissé le gps. J'ai fait la route. Non je n'ai rien tracé. J'ai suivi mon instinct. Direction ce rendez-vous qui ne me rendrait rien.
Force est d'admirer le destin : pas une seule erreur de parcours, et cerise sur le gâteau, une place de parking en or à deux pas de la clinique. Note que je ne sais toujours pas si elle était payante ou pas, cette place. Je n'ai pas vu de robot qui t'échange un ticket contre quelques euros, et je n'avais pas de pv sur le pare-brise ensuite. Alors hein !
Le hall d'entrée me faisait penser à celui d'une gare. La salle des pas-perdus. Ou celle des pas-trouvé. Va savoir. Ce genre d'espace où tu te sens seule au monde, parmis la foule, errante entre les presques vivants et les futurs morts...
J'ai resserré ma bulle autour de moi, cherché et trouvé mon sourire le plus sympa pour me diriger vers "l'accueil". Une petite femme blonde peroxydée m'a contemplée en me demandant : puis-je vous aider ?
Je lui ai dit le rendez-vous, elle m'a expliqué comment me rendre à l'accueil suivant, en me précisant à la fois le chemin et les documents que je devrai présenter : carte sis, carte d'identité.
En chemin j'ai pensé à tous ces sans-papiers, sans preuve d'existence légale et par là même condamnés à ne pas pouvoir accéder aux soins....
Deuxième "accueil". Un ticket à prendre. Un numéro : le 281. Je deviens un numéro parmis d'autres numéros. L'insolence et l'indifférence de ce monde m'exaspère. Je ressere encore la bulle. La jeune fille derrière son comptoir semble pourtant sympa. Mon esprit s'évade : comment appelle-t-on cela ? Une accueillante ? une cueillante ? je m'évade jusqu'à queutarde.... (mais chut ! )
Après un dédale de couloirs, d'assenceurs et autres détours, j'arrive dans la salle d'attente. J'ai une heure d'avance. Au moins ! Je pourrais ressortir fumer une cloppe, ça me détendrait, mais va comprendre pourquoi je ne peux me résoudre à faire un pied de nez au destin...
L'esprit "pratique" flamand et le manque de places dans l'hosto, font que les salles d'attentes sont installées dans les couloirs. Vachement sympa pour tout le monde de faire transiter des lits, et par conséquent des malades, devant des inconnus en "relative" bonne santé ! purée quel monde de brutes !
Et là je suis devant le bonhomme vert. Il me regarde de derrière ses petites lunettes d'intello. Il prend l'air un peu triste. Je souris dans ma tête. Je laisse la bulle s'ouvrit le temps d'un instant....
Il me dit, dans sa langue de vondel, vous avez une tumeur linguale, madame. Un cancer de la langue.
Je souris et lui demande : Votre certitude ?
Il me répond : 99;9 %
Je l'ai remercié et suis retournée dans ma bulle. Bien fermée. Je ne ressens rien.
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