Elle se laisse guider, paraissant un peu absente, mais les sens en
alerte, les yeux éteints, les épaules tombantes, jouant la faible,
cherchant la faille dans leur surveillance, l’ouverture vers la sortie,
la voie vers la liberté. Malheureusement, les flics sont pas novices…
ils la gardent, la regardent, ne la quittent pas des yeux.
Le commissariat, enregistrement, le planton signe la décharge aux
flics uniformisés, on la bouscule, on la pousse… du déjà vu, du déjà
vécu… Arrivée dans une pièce triste et sale… plusieurs bureaux et deux
mecs qui travaillent… l’un lève les yeux, la regarde l’air méprisant,
l’air suffisant.
- “vide tes poches”
elle s’exécute, pas le choix… son portefeuille, il n’y a quasi rien
dedans… quelques pièces de monnaies, un cran d’arrêt, quelques
préservatifs, des clopes, un briquet, une boite d’allumettes…
Elle regarde le flic… grisonnant, malingre, le teint aussi vert que
les murs de la pièce… ce vert un peu sale et spécial qui rapelle la
couleur sur les murs des classes d’école.
Il fouille dans ses quelques affaires…. lui montre le cran d’arrêt et lui demande :
- “c’est quoi ?”
Haussant les épaules elle le toise :
-”ben…c’est un couteau suisse, M’sieur ! ”
- “tu me prends pour un imbécile ?
- “Heu…. oui, enfin, non M’sieur”
Sa réplique a fait mouche, il trémousse de rage… montrant les préservatifs, il repose la question.
- et ça ?
- elle pense *t’inquiètes à voir ta tête, t’en auras jamais l’usage
!* mais sa réponse est plus correcte… enfin un peu : ”ça ne vous regarde
pas Monsieur….”
Elle n’a pas le temps de se protéger, la giffle claque, c’est sur
qu’elle à une marque, mais elle s’en fout… elle a l’entrainement
suffisant que pour ne pas pleurer à ce genre d’argument.
Et de rage elle fixe son regard sur le regard du flic… elle sais
qu’elle ne baissera pas les yeux la première… d’ailleurs ce n’est pas
une question de caractère, simplement de technique… suffit de capter le
regard de l’autre, de le défier… ensuite partir en pensée, se réfugier
tout au fond de son esprit et être ailleur, ne plus voir, mais surtout ne pas laisser l'autre se déconnecter. Rêver de le mettre à terre les yeux
ouverts en quelque sorte.
Très vite le poulet se sent mal à l’aise… mais il est du coté du plus
fort, il est du coté de la loi.
L’interrogatoire continue… où, quand,
comment ? elle ne répond pas bien à l’abri dans sa bulle, cette bulle
qui ne la quitte pas… Son regard parcours maintenant le décor, elle
regarde sans voir… et pourtant, ses yeux tombent sur le calendrier… on
est le vendredi 11 août… la terre se déchire, elle chavire… le mardi
quinze est férié, et la justice fera le pont, c’est bien connu, ils sont
toujours fatigués les magistrats.
Elle prend conscience qu’elle à au moins quatre jours à passer en
cellule, ici au sous-sol de ce commissariat, avant d’être déférée devant
le juge, celui qu’on appelle juge de la jeunesse … seule et sans
possibilité de contact, sans possibilité d’appeler à l’aide.
L’interrogatoire est suivi de la fouille… obligatoire… avilissante,
mais elle n’est plus là, elle n’est plus présente… dissociation entre le
corps et l’esprit… l’esprit est impossible à fouiller autant s’y
réfugier…. au déshabillez-vous, elle répond par un regard méprisant… au
penchez-vous, elle est aux abonnés absents.
Pourtant du coin de l’oeil surveiller son jeans, déposé là sur la
chaise, parce que dans la ceinture de tissus, une petite entaille faite à
la lame gilette, et introduit dedans très soigneusement le pognon en
billet proprement pliés… c’est pas grand chose mais c’est toute sa
fortune, sa clé pour la liberté, la clé de sa prochaine cavale… la
fliquette ne voit rien, sa main caresse le tissu mais ne sent rien… ouf
sauvée… enfin sauvée pour l’instant.
Descente au sous-sol, mise en bémol… passer la porte, entrer et ne pas penser… obéir à la demande :
-“Otez vos lacets s’il vous plait, votre chaîne aussi…”
Puis prendre possession de ces quelques mètres carrés… un lit dont
les pieds sont rivés au sol, une planche dessus en guise de sommier, une
couvrante, et, un seau dans un coin.
Ne pas oublier de lire le règlement affiché au mur, c’est obligatoire
et redécouvrir que toutes les phrases commencent par les mots : il est
interdit
Caly 2004
Non c'est pas mal écrit. Ma preuve par neuf, La gorge s'est serrée. Je reviendrai relire, au calme.
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