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mercredi 15 août 2012

La part de l'autre par Eric-Emmanuel Schmitt



Extrait :


"Il est là.  Il fait face à la foule.  Ce ne sont encore que les préliminaires.
La foule est une femme; la femme est longue à venir, Hitler est un grand amant parce qu'il est encore plus lent qu'elle.  Dès le départ, il livre des arguments, des idées, mais il donne peu.  Il traîne.  Il retient.  Il veut créer l'envie dans la foule.  Il veut qu'elle s'ouvre.  Il garde ses assauts pour plus tard.  Par contre, lorsqu'il s'échauffera, il sera fort, bandant, inépuisable.
En amour, on appelle ça un étalon; en politique, un démagogue.  Le secret de la réussite, c'est de ne penser qu'à la jouissance de l'autre.

Hitler commence à faire frémir la foule.  Elle applaudit.  Elle veut participer.  Il l'attise, la laisse faire, la retient, plaque sa bouche sur la sienne pour l'empêcher de crier.  Il va et vient, il se retire, il enlève son baillon : elle exulte.

Il redonne l'assaut.  Elle s'étonne.  Quoi ?  Déjà ?

Il va.  Il insiste.  Elle suit.  Elle crie.  Il continue.

Elle gémit.  Il change de rythme.  Elle ronronne et se plaint à la fois.  Il accélère.  Le coeur s'emballe.  Elle jouit.

Il enchaîne immédiatement.  Non.  Elle n'en peut plus.  Elle est convaincue.  Elle a compris.  Personne n'est meilleur.  Si.  Il insiste et curieusement, elle repart avec lui.  Maintenant, sa volonté est vaincue, elle lui appartient, il est son maître, il fait d'elle ce qu'il veut.  Il est son présent, son avenir car il est déjà son meilleur souvenir.

Elle jouit encore, et encore, et encore.

Maintenant, elle ne distingue même plus les pics de l'orgasme, elle n'est plus qu'abandon.  Elle hurle continuellement.

Et pendant qu'il la laboure, elle lui promet tout ce qu'il veut.  Oui.  Avec toi.  Plus sans toi.  Jamais.

Il se retire d'un coup et disparaît.

Elle a subitement mal.

Contre la douleur s'élèvent des musiques.  Pour se remettre la foule chante  Elle redescend dans le monde normal.

Oui, c'est promis.  Il reviendra.

Hitler c'est déjà réfugié dans sa voiture.  Ensuite il sautera dans un avion pour rejoindre une autre ville qui l'attend déjà.

Il fait jouir la foule mais lui n'a pas joui.

Il la méprise pour avoir joui si facilement sans que lui ai joui.

Et dans le mépris, il se sent supérieur.

Et dans ce mépris, il garde le pouvoir.

Et dans sa frustration, il trouvera la force de recommencer une heure plus tard."

Tu l'auras compris, toikimelis, ce livre m'a passionnée, fascinée, envoûtée, bousculée(*)...  Une fenêtre ouverte sur l'univers de tous les "possibles"...  un cheminement vers tant de questions...

Bref ....   Je ne peux que te le conseiller :)

(*)  Au secours, Calyste, je ne sais plus comment je dois "accorder" ces verbes...   Help !!!

6 commentaires:

  1. ée

    hihihi

    tu vois que je te laisse pas choir !

    Sinon, ce livre, euh comment dire...me fout les boules. Rien que dans cet extrait j'y sens une fascination qui ne me plaît guère (euphémisme). Mais sans doute est-ce trop vite juger...

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    1. Sourires...

      J'étais quasi certaine que tu allais réagir :)

      Je sais bien que nous resterons en contact, n'empêche ton blog, c'était ma régalade à moi...

      bon pour arrêter de te bassiner avec ça, d'autant qu'à mon avis je ne te ferai pas changer de décision...

      Ce livre. Comment dire ?

      L'auteur se demande ce qui serait arrivé si Hitler avait été reçu à l'Académie. Il fait le parallèle entre deux personnages, l'un utopique, l'autre réel.

      Durant toute la lecture, tu vas d'un personnage à l'autre, les deux deviennent réels, évidents. Ils se mèlent, se séparent, se confondent. Pourtant, tu comprends qu'à chaque carrefour, le "destin" risque de les mener à la même folie.

      Je te promet que ce livre ne fait en rien l'éloge d'Hitler, bien au contraire. Mais il le ramène à sa dimension de cloporte, d'inconscient, de sadique, de fou, de dément, d'humain aussi oui, mais d'humain néfaste et perdant.

      Ceci dit j'avais bien conscience que publier cet extrait pourrait te choquer. Mais pour me faire pardonner, si tu veux, je t'offre le bouquin :)

      Bises ma Plume

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  2. Aucune faute aux participes, élève Caly. Vous aurez une très bonne note!
    Autrement, as-tu lu "La mort est mon métier" de Robert Merle? C'est un roman fascinant sur l'inventeur des chambres à gaz, d'autant plus envoûtant que l'on se dit, en le lisant, que ça aurait pu être soi-même.

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    1. Merci pour la bonne note; Maître Calyste :)

      Non je n'ai pas encore lu ce livre. Mais je l'inscris illico presto sur la liste de livres à venir, tu m'as donné envie de le lire.

      Quand au bouquin ci-dessus, il donne à réfléchir. Dire qu'il aurait suffit d'un tout petit élément, qu'un tout petit rien aurait pu changer le destin de millions de gens...

      Effarant...

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  3. Tudieu !! C'est du lourd !!
    Je pense que je vais le lire, ça a l'air passionnant.
    Je rebondit sur le com' de calyste, "la mort est mon métier" est un livre époustouflant !! Un petit chef d'oeuvre qui te remet les idées à leur place. Brrrrr
    En ce moment je lis une bio de Maryline :-) pas le même genre, hein ?
    Mais super la bio ! Mysfit, c'est cool ! Un cadeau de ma fille Lisa pour mon zaniv'
    Bon, zou, dodo, demain en route pour Annecy chez ma môman.
    Gros bisou, je pense fort à toi.

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    1. Bon z'anniv(s) alors !!!

      Je ne crois pas que je lirai la bio de Maryline... quoique... Cette femme reste un mystère pour moi. Je m'arrête peut-être à cause d'idées préconçues...

      Enfin j'attends que tu aies fini le bouquin, que tu me donnes ton avis et alors j'aviserai :)

      bises et belle fête ma belle :)

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