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mardi 15 mai 2012

Prémonition ?


Une question posée par George dans un commentaire chez (et à) Pakita me fait gamberger depuis hier soir :

Vous avez tant de vie en vous. Vous débordez de vie en vérité, et cette santé qui vous bloque, vous paralyse, vous bride. Pourquoi ?
Payez-vous les années de combats ? Payez-vous votre courage et votre détermination ?

 La maladie comme payement ?  La douleur comme un remboursement, ou comme une taxe ?  La maladie telle contribution due à un dieu, un grand architecte (ou quelque nom qu'on lui donne), à la vie qu'on a menée, choisie, subie ?

Je n'ai bien évidemment pas la réponse.   J'ai cru longtemps que la vie s'équilibrait.  Que la chance que j'ai eue pendant des années compensait mes années noires, mon enfance de merde, mon avortement forcé, mon ventre cimetière.  Oui j'ai cru longtemps que la chance de toujours trouver du boulot bien qu'intérimaire la plupart du temps, de ne plus avoir faim, d'avoir un toit, d'être libre était une juste compensation pour les années galères.

Puis est venue la prémonition.  C'était il y a deux ans environ.  J'étais en voiture, je rentrais du boulot.  C'était une belle journée, ensoleillée.  L'eau du canal reflétait le bleu du ciel.  J'étais bien.  Et tout à coup une pensée, futile, fugace : tu as mangé ton pain blanc.

Effectivement, tout c'est emballé.  Le harcèlement au boulot à prit des proportions inquiétantes, BPost venait de racheter la PME pour laquelle je bossais depuis 6 ans, le nouveau boss (que j'appelais l'ami Molette) m'avait dégradée très vite.  De Warehouse Manager j'étais passée "bonne à tout faire" (sans description de job).  J'ai résisté bien sur, mais en faisant le dos rond quand même, espérant une rupture de contrat, et pouvoir reprendre mes intérims tranquille.

Et a force de subir, j'ai craqué.  Mentalement bien sur.  Mais physiquement aussi.  Le cancer c'est déclaré.   Un an après la prémonition.   Alors, dois-je dire que ce cancer est ma punition pour avoir résisté ? pour avoir subi ?   Je ne sais pas.  Simplement mon corps à réagi au stress constant, permanent qu'il subissait.   Les coups de fils à pas d'heures, les pressions, les menaces, le mépris.    Oui, mon cancer s'est déclaré pour cause de harcèlement.

Ceci dit, je sais bien que certains me diront qu'il n'y a pas de relation de cause à effet.  Que ce cancer je le portais en moi.  Et je suis d'accord avec eux.  Nous portons tous un cancer en nous.  Mais certains ne le développent pas.  Et d'autres le développent tardivement.   Simplement le corps réagi aux pressions faites sur le mental.  C'est du moins ce que je crois.

Mais une chose est certaine : le corps prévient.  Toujours.  Donc écoutez le !  Ne faites pas comme moi ;)

7 commentaires:

  1. Comme toi, les propos de George m'ont amené à beaucoup de questionnement.
    Je ne crois pas que nous puissions dire, aussi clairement, aussi nettement, que nous payons pour un acte, une résistance, une posture.
    Certains tiennent le coup pendant des années sans rien payer, d'autres voient une factures hallucinantes pour presque rien.
    Non, je crois, comme je le dis au boudoir, que la maladie tape à l'aveugle.
    Mais là où tu as raison, entièrement raison, c'est que notre corps nous parle ! oui, et comme toi, je ne l'ai pas écouté.
    Ma facture est moins élevée que la tienne et je m'en tire avec des dents foutues et un dos ravagé, ça va, je peut me considérer comme chanceuse.
    N'empêche, si je m'étais occupée de moi avant, je n'en serait pas là aujourd'hui.

    Je sais que beaucoup (et moi aussi parfois, mais sans vraiment y croire) de rapprochement entre le corps et nos résistance.
    En avoir plein le dos, se prendre la tête, tout se prendre dans le ventre etc etc...
    Là encore, c'est trop simpliste, et je suis sûre qu'on a plein de douleur qui n'ont aucun rapport avec ce qu'on a subit dans notre vie.
    Oui aujourd'hui je peux dire que j'ai serré les dents, que j'en ai plein le dos... mais pour autant n'est-ce pas le cas de tout le monde ?
    Et toi, quoi, aurais-tu trop parlé ? ou à l'inverse pas assez parlé ?
    Je crois que l'homme invente des raisons à ce qui lui arrive pour se rassurer, pour se donner l'impression qu'il y a un sens, une raison qui le dépasse et qui explique qu'il n'a pas su se prémunir.

    Par contre, ce qui me parle dans ton billet, c'est cette prémonition dont tu parles.
    C'est intéressant. Il faudrait que tu développe plus ! Que tu cherches comment elle est arrivée, pourquoi, quel rapport il y avait ce jour là.
    Moi je n'ai jamais eu ce sentiment.
    Un jour nous avions de la chance et puis ça s'est arrêté et tout s'est cassé la gueule jusqu'à ce que nous soyons à terre.
    Nous remontons, petit à petit, parce que bien sûr, c'est tellement plus long de reconstruire !
    Mais la chance, je n'y crois plus.
    Le problème est peut-être là d'ailleurs.
    mais c'est si facile de dire celà. C'est si facile de dire : "je devrais, j'aurai du, je pourrais, si j'avais su"... enfin, toutes ces conneries qui culpabilisent et qui permettent de ne pas chercher la vraie solution.
    Allez... pain blanc, pain noir... à l'heure qu'il est, toi et moi, pour des raisons différentes, nous ne sommes capable de manger ni l'un ni l'autre ! rabattons-nous sur les brioches et merde à ceux qui n'ont pas le sens de l'humour :-)

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    1. "Je crois que l'homme invente des raisons à ce qui lui arrive pour se rassurer, pour se donner l'impression qu'il y a un sens, une raison qui le dépasse et qui explique qu'il n'a pas su se prémunir."


      Peut-être est-ce le cas pour beaucoup d'entre nous. Mais ce n'est pas mon cas. Je ne me sens pas coupable de mon Cancer, je ne m'en sens pas responsable. Même quand un toubib me dit : c'est "normal" vous fumez, je lui rit au nez ! D'ailleurs, je fume encore ! c'est dire si je suis conne, inconsciente, fataliste, anarchiste (barre les mentions inutiles ;)

      Qu'on ne vienne pas me bassiner avec cette morale judéo-chrétienne qui veut et décide que tu es coupable de tout ce qui t'arrive. J'en connais qui ont fumé toute leur vie sans problème et d'autres qui sont mort d'un cancer du foie sans avoir bu une goutte d'alcool de leur vie.

      J'en connais aussi qui ont des gosses non désirés et mon ventre resté vide à tout jamais. Je n'ai jamais fait de liaison entre la faute, la cause et l'effet. Parce que faute il n'y avait pas, la cause était connue, l'effet était simple ricochet d'un médecin anglais incompétent et de parents dé-aimants.

      Bref.

      Par contre, pour les prémonitions oui j'y crois. Je vais essayer de développer ça. Il me faudra un peu de temps pour mettre des mots sur cette chose, improbable et impalpable, cette pensée fugace, futile. D'autant que la plupart des gens n'y croient pas, que je risque de passer pour folle (note que là, rien à dire, je suis ! rires)

      Promis j'y réfléchis :)

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  2. Ce sont des questions qui m'ont vraiment beaucoup hanté et que je n'ai pas complètement réglées. Je me demande parfois si mon corps n'a pas eu à payer les non-effondrements de mon psychisme. En même temps, sitôt pensé, je rebondis sur le texte de Susan Sontag, la Maladie comme métaphore, dans lequel elle se révolte contre une idée répandue (elle parle notamment du cancer), à savoir que l'on est responsable de son cancer, idée qui est bien utile à la société dans son entier et qui permet d'occulter nos conditions sanitaires, pas si idéales, toujours plus dégradées : faut voir ce qu'on avale !
    Pour la prémonition, je sais que juste avant mon Hodgkin, vraiment juste avant, au moment des premiers symptômes (en tout cas ceux que j'ai bien voulu voir), j'ai tout de suite su que c'était grave. L'infarctus, par contre, je ne l'ai pas vraiment vu venir. Je le savais comme une menace diffuse, mais pour plus tard (du fait des traitements), et je craignais davantage, à cause du boulot, quelque chose comme un burn-out... Raté !

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    1. Comme toi Christophe, j'ai le sentiment que ces questions continueront à me hanter et ne seront jamais réellement réglées.

      C'est le lot de tout chacun qui joue sa vie dans le combat contre la maladie, je crois.

      Mais, tu vois, je me dis que le combat est à court terme, que la (les) question(s) n'ont pas vraiment d'importance, du moins à mon niveau. Toi tu as la vie devant toi, tu es jeune encore ! sourires.

      En ce qui concerne la prémonition, oui tu dis bien... comme un sentiment diffus, une menace, un ennemi/ami invisible tapis dans ton esprit qui te fait prendre conscience, te fait peur. Un ami/ennemi que tu préfères ignorer, c'est plus confortable, plus facile de l'écarter que de l'écouter.

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  3. Le coup du "sentiment" d'avoir croqué à belle dents son pain blanc et de le conjuguer au passé... je connais également, la connaissance de soi, du fait que le pain il était de fait très blanc quasiment trop facile... je connais.
    J'aime beaucoup ton billet.

    Une bise, Bleck

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    1. Merci Bleck,

      Oui je crois que tu connais.

      Merci d'avoir compris :)

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  4. "Je me demande parfois si mon corps n'a pas eu à payer les non-effondrements de mon psychisme." Je viens de lire ton billet et tous les commentaires qu'il a suscités. Il y aurait tant à dire! Mais je crois que ce qui résume le mieux ma pensée, ce sont les mots de Christophe que je viens de citer, et qui, à titre personnel, résonnent d'une façon terrible.

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