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samedi 18 février 2012

Questionnement...

Je t'en ai déjà parlé ici...

La Vieille Dame va mal.    Ce qui n'est pas étonnant, si je te raconte les derniers mois...

En septembre elle fait une chute en allant chercher son pain.  Une chute sur un pavé mal joint, sale coup du destin.  Coude cassé.  Hôpital, opération.  Maison de revalidation.  3 mois.  Entretemps les médecins lui découvrent un cancer.

En décembre, un lundi, elle retourne chez elle.   Tout est mit en place pour l'aider, qui ira lui chercher le pain, qui viendra lui faire causette, qui la conduira pour les examens onco.  Le vendredi, appel d'une de ses voisines, on prévient Mat qu'elle va mal.  Ambulance, Urgence.  Bataille pour la faire hospitaliser.  Le médecin (et il n'a pas tort) dit que ce n'est qu'une angoisse due à la fatigue de la vieillesse, et que la place de Vieille Dame n'est pas à l'hosto.  Après des heures de discutions, le doc accepte de la garder le temps qu'on trouve une maison de repos.

Une gentille assistante sociale aide Mat à trouver.  La Vieille Dame est transférée dans la séniorie.  Elle n'aime pas.  Ni l'ambiance, ni le personnel, ni la nourriture.  Rien, elle n'aime rien !  Et forcément ne veut pas y rester.   Crises et prises de tête.  Chantage, reproches et culpabilisation.   Perso,  j'arrive à relativiser un peu (mais rien qu'un peu)  je sais à quel point le cancer peut donner sale caractère, mettre de mauvaise humeur et rendre agressive.  (Je le sais pour l'avoir vécu.  Des mois avant l'annonce de la maladie, j'étais déjà devenue acariâtre et agressive avec certains - depuis, je vous rassure, j'ai réussi à gommer cet aspect là de la maladie ;) )

Bref, je m'occupe de lui trouver une autre maison de repos.  J'en trouve une qui à l'avantage de faire à la fois séniorie et maison de soins, l'un comme l'autre à un prix abordable.  Ben oui, la Vieille Dame n'est pas riche, même si elle n'est pas dans le besoin.   Mais entre les frais d'hosto, ceux de maison de repos et son appartement en location, ça commence à bien faire, d'autant qu'elle a des goûts de luxe et que face à l'inconnu de l'avenir, il faut essayer de réfréner un peu. 

Mais la Vieille Dame ne veut pas de ma solution.  Elle veut une maison de repos bien précise ! Et estime que sa place n'est pas dans une maison de soin, fusse dans le futur !  Elle n'en démord pas.  Mat cède, lui obtient une place dans la séniorie désirée (à un prix qui doit bien faire 3 smics!).  Elle s'y installe le 8 février dernier.

Le lendemain, examen pré-rayons.  Les médecins veulent absolument que le traitement soit fait en ambulatoire.  Je serais mise à contribution pour certains transports, vu que Mat travaille.  Je ne pourrai pas assumer.  Je la sais.  Je le dis.  Après des heures de discussions, les médecins admettent que la Vieille Dame ne pourra pas supporter le traitement autrement qu'hospitalisée.   (il aura fallu leur mettre la pression !)

Elle est entrée à l'hosto le 13.  Aujourd'hui, après une semaine de rayons, la Vieille Dame va mal.  Très mal.  Elle a fait syncope ce matin, le coeur a faibli, elle dort assommée par les médocs.  Elle pleure, elle a mal.   J'imagine sans peine la douleur que doit procurer un T4 moi qui n'ai qu'un T2.

Pourtant, ils vont continuer les rayons.   Le programme prévoit encore 6 semaines...

Acharnement thérapeutique ?  Je ne sais pas.  Honnêtement je ne sais pas.  Mais quel intérêt, quelle qualité de vie cela apportera-t-il à la Vieille Dame ?   A quelle échéance ?  Pour combien de temps ?

Je me questionne...

Où est cachée la notion "humanisme", "humanité", "qualité de vie", "dignité", "accompagnement",  "respect", (liste non-exhaustive) dans la médecine d'aujourd'hui ?

Désolée pour ce billet "noir", j'avais besoin de l'écrire, et puis cela t'expliquera mon silence de ces derniers jours...

8 commentaires:

  1. C'est terrible ce que tu racontes et c'est un fin de vie de merde :-(
    Sans vouloir minimiser la responsabilité des médecins et autres responsables (e règle générale je ne les aime pas beaucoup), j'essaye de savoir ce que je prendrais comme décision moi, et vraiment je n'en sais rien, surtout avec une femme comme elle, qui a son petit caractère.
    Personne ne mérite de vivre cela.
    J'imagine cette pauvre femme, sa douleur, sa souffrance, sa solitude, sa peur, sa peine.
    C'est insupportable.
    Je comprends bien comme cela doit te miner.

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    1. Oui Pakita, personne ne mérite ça...

      Ce qui me dérange, ce n'est pas la mort, tu penses bien que j'ai eu le temps de la regarder en face...

      Mais je me pose des questions quand à la qualité "humaine" de notre système de santé. Bien sur il y a dans tous les hôpitaux, tant privés que publics, des bénévoles qui viennent soutenir les malades qui le demandent...

      N'empêche que notre médecine est déshumanisée, qu'il n'y a plus de place pour la personne, l'être humain. La technique prime et l'acte se dispense sans prendre en compte le bien-être du sujet.

      Les jeunes médecins que j'ai rencontré parle comme des jeunes cadres dynamiques (ceux que j'appelle les men in black) d'entreprises privées. Ils sont eux aussi dans la pensée unique. Le libéralisme à tout prix !

      Va savoir pourquoi j'adore leur rabattre le caquet à ces jeunes coqs !

      Bref, je m'emporte... sourires...

      ;)

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  2. Dur...
    Des questions auxquelles je n'ai pas de réponse non plus...
    Mais je comprends ta peine.

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    1. Vi dur Pastelle,

      mais pas insurmontable non plus...

      Va me falloir assumer dans les jours/semaines qui viennent. Et réfléchir aussi sérieusement à m'offrir une porte de sortie digne au cas où...

      sourires

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  3. Je ne veux pas du tout minimiser le rôle ou la responsabilité des médecins, mais je crois me souvenir que la vieille dame n'avait guère hésité : elle voulait le traitement. Je crois que, dès lors, les médecins ne peuvent guère se permettre - ils ne sont que des médecins, des êtres humains avec leurs défauts et leurs qualités - de passer outre cet espoir. Sans doute que certains d'entre eux se disent que c'est beaucoup de douleur pour un résultat improbable, et il en est sans doute des plus cyniques qui pensent que c'est beaucoup d'argent gâché pour bien peu de temps (et là, je parle du temps de la maladie, mais aussi de celui de la vieillesse). Mais il faut pouvoir dire à quelqu'un qui a demandé sans hésitation (encore une fois, il s'agit de mon souvenir - peut-être me trompé-je) à être soigné : "non, vous allez souffrir inutilement". Après c'est vrai qu'il y a la déliquescence des hôpitaux européens, le manque de personnel qui rend ceux qui restent plus dur qu'il y a vingt ans (mais pas plus dur que ceux d'il y a soixante ans, lorsque les médecins étaient impuissants ET odieux, les infirmières, des bonne-sœurs aigries, etc.), mais je crois très sincèrement que chacun essaie de se démener comme il le peut (c'est-à-dire : mal) avec ses moyens, avec sa conscience, avec ces mécanismes, aussi, qui font qu'on peut être cruel ou sévère juste pour ne pas s'effondrer.

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    1. Bonjour Christophe,

      le problème est avant tout : voulons-nous mettre les moyens pour avoir des systèmes de soins à la fois humains et de qualité.

      Quand je vois le nombre d'hôpitaux que l'on ferme, que l'on restructure (et c'est pire en France qu'ici), quand je vois le nombre d'infirmières diminuer, quand je vois la qualité de leur formation s'effondrer, liste non exhaustive, je me dis que c'est encore le pognon roi qui a décidé du choix.

      Pour la vieille dame tu as raison. Elle a choisi. Cependant, un peu d'écoute humaine ne serait pas du luxe. Mais où trouver une infirmière qui peut (qui a le temps) de s'asseoir 1/4 d'heure à côté d'une vieille dame qui pleure la nuit parce qu'elle sent la mort arriver ?

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    2. Salut Caly,
      Tu sais, j'écrivais depuis la situation présente - abominable, effectivement. S'il n'y avait que moi, je supprimerais le budget militaire et vendrait le rococo Élysée pour mettre l'hôpital sous assistance budgétaire...

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    3. Je sais bien Christophe, ne t'inquiètes pas, je sais à quel point nous sommes sur la même longueur d'onde à ce sujet :)

      bisous

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